GENERATION SACRIFIEE

GENERATION SACRIFIEE

Qui nous a volé notre été? Je me lève il fait gris, je me couche il pleut. Et pourtant. Tout semble bruler autour de nous, vagues de chaleur en Grèce, feux en Turquie, cet été est définitivement déchainé. Finalement, n’est-ce pas chaque année le constat? « Mois de Juillet le plus pluvieux jamais enregistré » « Canicule la plus intense depuis 2012 ». Tous les ans, on repousse une certaine limite, on s’étonne, on se plaint. Puis on passe à autre chose.

Et moi, ça me terrifie. Ce n’est pas tant la météo qui m’angoisse, c’est le climat. Les variations soudaines, les pluies torrentielles, les vagues de chaleur, le tout s’enchainant à une vitesse folle qui me donne la nausée.

J’ai 26 ans, je fais partie de la génération Y, la génération qui se réveille, qui enfonce les portes mais qui crie aussi au désespoir. Une génération bercée entre l’espoir, la colère et même parfois la résignation. Une génération d’éco-anxieux.e.s.

Depuis des décennies, la crise climatique tue. Je ne connais pas de mot plus percutant que celui-là, elle tue, elle arrache la vie des gens. Elle tue des animaux marins, terrestres, des plantes, des arbres, et au milieu de ces espèces, il y a nous. Comme dirait Camille Etienne: « Nous sommes la nature: si elle disparaît, on disparaît avec elle. »

La crise climatique tue également des humains. Des morts silencieuses, parce qu’elles touchent d’abord ceux qu’on regarde moins, ceux qu’on opprime, qu’on oublie. Les sècheresses qui entrainent les famines, les montées des eaux, c’est loin de nous tout ça. Enfin, ça l’était.

Le 14 juillet 2021, la région de Liège se retrouve sous eaux. Ma région, celle où j’ai grandi. Et là c’est le drame, c’est la théorie qui devient la pratique, la crise climatique est là, chez nous et elle ne frappe pas, elle enfonce la porte. Des milliers de gens se retrouvent sans maison, sans rien, les débris jonchent le sol d’une région qui la veille était si verdoyante. On compte à présent 37 décès, 37 personnes que l’on a condamnées par notre inconscience.

10 milles personnes décèdent chaque année de la pollution de l’air en Belgique. En Belgique aussi, les canicules font des dizaines de milliers de mort et elles s’annoncent 5 à 10 fois plus fréquentes d’ici la fin du siècle. Ces catastrophes qu’on qualifie de naturelles n’en sont rien, elles sont le résultat de l’inaction qui perdure depuis des dizaines d’années. Elles arrivent chez nous, et on les regarde passer, jusqu’à la prochaine, celle de trop. L’urgence est sous nos yeux mais beaucoup préfèrent détourner le regard et traiter de fous ceux qui ont assez de courage pour les garder ouverts.

Le GIEC alertait déjà en 1990 « selon des prévisions météorologiques, l’effet de serre accentuera les deux extrêmes hydrologiques. C’est-à-dire qu’il y aura plus d’épisodes extrêmement abondants et plus de sécheresses prolongées ». On ne peut plus dire qu’on « ne savait pas ». Nos sociétés sont à l’origine de ce fameux effet de serre, beaucoup le savent mais peu l’intègrent.

Nous sommes le 9 août 2021, le jour de la sortie du rapport du GIEC faisant état de l’avancée de la crise climatique. Le GIEC c’est le groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat, ce sont les types qui tirent la sonnette d’alarme tous les ans… et qu’on ignore, tous les ans. Depuis 3 ans, je lis ce rapport chaque année et le constat est le même: j’ai peur. Je suis même terrifiée. Le changement climatique ce n’est plus une prédiction incertaine, c’est une réalité physique, c’est un consensus. Les gouvernements du monde entier et les générations précédentes ont une responsabilité historique dans la condamnation de l’humanité, il est temps qu’ils répondent de leurs actes, l’impunité c’est terminé.

Plus j’avance dans ces pages, plus j’ai la gorge qui se noue et les larmes qui montent. Chaque mot que je lis pèse un peu plus lourd sur ma poitrine. On ne parle plus d’échéances à plusieurs siècles, la vague arrive et elle est pour nous. Nous sommes la génération sacrifiée.

Alors qu’est-ce qu’on fait? On peut lutter pour sauver ce qu’il reste. On peut lutter contre l’industrialisation, l’usage des ressources fossiles, l’artificialisation massive d’espaces naturels, on peut lutter pour mettre le béton hors de nos vies. On peut lutter contre la hiérarchisation des êtres vivants et la consommation de produits animaux. On peut ouvrir les yeux, constater ce qu’il reste à sauver, on peut exiger des mesures ambitieuses de la part de nos politiques. On peut les rendre responsables de cette extinction de masse qui nous pend au nez. On peut s’engager pour le vivant. Et le vivant, c’est nous.

Remettre l’amour au centre du système est un acte de résistance. Quand on se bat, on se bat pour les gens, pour vous, pour nous. On se bat pour les sourires plus fréquents que les larmes. On se bat pour l’avenir, un avenir sans souffrance, un avenir égalitaire. On n’a pas mérité ce qu’il nous arrive, mais l’urgence repose sur nous, et il faudra le faire ensemble.

Change is coming, whether you like it or not.