JE SUIS ÉCO-FÉMINISTE

JE SUIS ÉCO-FÉMINISTE

Hello à tous,

J’espère que vous allez bien en ce début de second confinement. J’en profite pour revenir avec un sujet un peu plus lourd et propice au débat tant que nos cerveaux fonctionnent encore et que la folie/flemme (au choix) du confinement n’a pas pris le dessus! Stay strong (at home) on va s’en sortir! 

Le sujet du jour n’est autre que l’éco-féminisme, un mouvement qui a déjà presque 50 ans (né en 1974) et que pourtant vous ne connaissez peut-être pas. Il vient de la contraction entre écologie et féminisme (si t’avais pas compris…). J’imagine que si vous me lisez, vous savez que je suis plus tôt écolo comme meuf donc l’éco-féminisme a pour moi vite pris tout son sens. 

A côté de mon engagement environnementale, je suis une femme cis et je constate tous les jours des inégalités entre les genres. Je suis ingénieure, et on m’a toujours dit que c’était un métier d’homme, j’évolue professionnellement dans ce qu’on appelle un monde d’hommes. Et les inégalités y sont exacerbées, que ce soit salarial, le plafond de verre, les opportunités, je pourrais vous écrire un article entier (que dis-je, un livre!) (en 3 tomes) avec les phrases sexistes qu’on m’a déjà balancées en 3 ans de carrière seulement, bref rien n’est égal dans ce domaine. Je parle d’ailleurs de ce que je connais mais ma situation est potentiellement transposable à la votre, j’imagine.

Si au boulot je ressentais en effet cette misogynie au quotidien (mes collègues proches étaient les personnes les plus bienveillantes que je connaisse donc ce n’est pas d’eux dont je parle ici mais plutôt du système de l’entreprise en général), je pouvais m’estimer heureuse qu’en rentrant chez moi, le calvaire était fini. Mon mec est assez féministe, il est même plutôt engagé dans ces questions et milite quotidiennement pour faire évoluer les mentalités dans son cercle pro et perso. 

Mais bon, on va pas se mentir, c’est toujours moi qui fais le produit lessive maison, cherche des alternatives durables à chaque élément de notre quotidien, rachète du percarbonate de soude ou de la cire de soja. C’est toujours moi qui passe des heures à lire des étiquettes de shampoing, gel douche, pour vérifier qu’il n’y a pas de chimie lourde qui rentre chez nous. C’est bien sûr moi qui achète de l’huile essentielle de menthe poivrée pour nos maux de têtes et qui lui trouve des super chemises éthiques pour aller bosser. Alors que tout ce que je viens de citer, nous le consommons à deux. 

Ne vous méprenez pas, ce n’est pas par manque d’intérêt pour la cause, mon mec est presque plus écolo que moi, je ne connais pas plus minimaliste que lui. Il a une conscience éthique et environnementale surement aussi large que la mienne. La différence entre nous? Nos genres. 

Ceci n’est surement pas un procès que je fais à mon mec, je t’aime boubou ça va aller, c’est plus un constat au sein d’un couple écolo plutôt traditionnel, je pense. (Je précise qu’on bosse tous les 2 à temps plein.)

Il m’arrive de me demander si nous les femmes écolos nous n’avons pas un peu trahi les féministes qui se sont battues pour sortir de la sphère privée et se libérer d’un travail ménager non rémunéré. Alors que moi ben je passe pas mal de temps dans ma cuisine à faire ma lessive maison quoi… 

Le féminisme est-il soluble dans l’écologie?

Assez parlé de mon expérience personnelle, passons aux faits, les trucs qui selon moi mettent tout le monde d’accord. 

En France, 2 fois plus de femmes votent pour un parti dit « vert ». Je n’ai pas trouvé de chiffres pour la Belgique mais qu’on se le dise, on n’est pas bien différents. 

Une enquête révèle même que:

  • 76% de femmes sont pour l’abandon de l’automobile au profit des transports en communs,
  • 71% pour l’interdiction des OGM,
  • 61% pour payer plus cher des énergies plus vertes,
  • Les femmes assurent 80% des tâches ménagères, elles sont donc majoritairement à l’initiative des achats plus responsables.

Une étude américaine montrerait même que les comportements écolos comme « aller à l’épicerie bio/vrac avec un tote bag » sont perçus comme des comportements féminins. 

Ceci sont des études, des statistiques, cela ne relève absolument pas de mes observations.

Qu’on se le dise, les femmes ne naissent pas avec un gène « vert ». Cela relève de l’éducation des petites filles à qui on apprend l’empathie, elles le développeront ensuite envers les individus, l’environnement et les animaux. Comme les féministes le soulignent souvent, le « care » est traditionnellement associé aux femmes qui doivent prendre soin de la famille et du foyer alors qu’on associe aux hommes des caractéristiques telles que l’autonomie, la force et la prospérité. 

« L’éco-féminisme tisse des liens entre l’oppression de la nature et celles des femmes, toutes deux exploitées et soumises par le patriarcat et le capitalisme. »

Une grande actrice de ce mouvement est Vandana Shiva, elle a une vision altermondialiste et elle dénonce la domination des hommes sur les femmes (le patriarcat), des Hommes sur l’environnement et du Nord sur le Sud (le colonialisme). On observe donc une convergence des luttes dans son discours plutôt intéressant. 

Rapport à la viande

Vandana Shiva fait donc une parallèle entre les luttes climatique, anti-raciste et féministe. Il me semble également intéressant de regarder la vision que la société a des animaux. 

Le Journal Slate décrirait une échelle du type: hommes > femmes > animaux > environnement (plantes). 

En tant qu’écolo, ce sont les 2 derniers maillons de cette échelle qu’on essaie (tant bien que mal) de remettre au même niveau que les autres. Et encore une fois la consommation de viande c’est une histoire de genre. En effet, les hommes mangent en moyenne davantage de viande que les femmes. En France, 24% des hommes se nourrissent de viande quotidiennement contre 15% de femmes. Les femmes sont d’ailleurs plus nombreuses à s’affirmer végétariennes, environ 70% des végétariens sont des femmes. 

Si on remonte plus loin, la consommation de viande est initialement une affirmation de domination (j’ai tué l’animal, je le mange), de pouvoir et de richesse. Les caractéristiques que la société attribue aux hommes et non aux femmes. 

En plus d’avoir une conscience environnementale plus large, les femmes seraient donc également plus investies dans la lutte pour le bien-être animal (l’anti-spécisme) puisqu’elles subissent également cette oppression (par le système patriarcal capitaliste). 

Marti Kheel, une écoféministe et anti-spéciste disait même d’ailleurs : « De la même manière que les gens se demandent souvent comme une lesbienne peut s’épanouir sexuellement sans homme, nombreux sont ceux qui se demandent comme les végétariens peuvent s’épanouir nutritionnellement sans viande. »

Rapport à la mode

Un second aspect que j’adore aborder, vous le savez si vous me lisez souvent, c’est la fast-fashion aka le diable. 

Je vais le répéter parce qu’on n’enfonce jamais assez le clou mais l’industrie textile liée à la mode est responsable à elle seule de 20% de la pollution de l’eau dans le monde, dégradant la vie des populations au sud (cf la lutte anti-racisme). La production d’un t-shirt émet environ 6 kg CO2 et il continue de polluer les eaux de solvants chimiques et de micro-particules de plastique toute sa vie durant (sinon c’est pas drôle). 

En plus de dégrader la vies des populations vivant à proximités des usines textiles (rejet d’eau usées, gaz, vapeurs toxiques,…) et bien cette industrie dévaste la vie des travailleurs de ces usines. 

Le secteur du textile emploie environ 40 millions de personnes dans le monde et 85% sont des femmes, encore une histoire de genre. Seulement 2% de ces travailleurs (travailleuses, qu’on se le dise) sont payés un salaire permettant de vivre décemment. Les femmes sont donc les premières victimes de la fast-fashion que le Guardian qualifie même à l’heure actuelle d’esclavage moderne. 

Mais du coup, on fait quoi? 

Après cette interlude chiffres (vous êtes toujours là?) qui selon moi est toujours bénéfique pour mettre les choses en perspective, je vous donne maintenant mon avis sur le sujet. Il est indéniable qu’on vit dans une société sexiste, raciste, spéciste, qui détruit l’environnement et donc les individus (I mean regardez les chiffres). 

Il est donc assez évident que la lutte pour le climat et la lutte sexiste sont entremêlées (avec tous les autres évidemment mais c’était le sujet de cet article).

Je ne vous dis pas de rentrer en guerre contres les hommes, loin de là! Je suis moi-même entourée de mecs bienveillants qui ne demandent qu’à corriger leurs défauts. 

L’approche qui me semble la meilleure (attention ce n’est que mon avis) c’est d’ouvrir la conversation. Dites aux mecs qui vous entourent quand leur comportement vous semble sexiste, ou déplacé. Demandez aux hommes de l’aide que ce soit dans votre transition écologique ou autre, exposez le problème! Parce que, selon moi, la solution ne commence que lorsqu’on a identifié et nommé le problème alors ne restez pas silencieuses!

Ne vous sentez cependant pas obligées d’éduquer tous les hommes de votre entourage à ces sujets, la charge mentale des femmes est déjà assez lourde ainsi. Lorsque je n’ai pas le courage d’entrer dans un débat périlleux, je recommande souvent quelques sources d’information, je vous les liste ici:

  • le podcast « Les couilles sur la table », notamment les épisodes spécifiques sur l’éco-féminisme;
  • le podcast de Bettina Zourli « The L club »;
  • le podcast de Venetia La Manna « Talking tastebuds » qui parle de toutes les luttes citées ci-dessus;
  • le livre « Les couilles sur la table » de V. Tuaillon;
  • le livre « Sorcières » de Mona Cholet.

Et surtout, entourez-vous de gens bienveillants qui vous suivront dans vos engagements et s’éduqueront avec vous sur les luttes qui vous animent. 

Sur ces belles paroles je vous dis à bientôt pour un nouvel article et je vous embrasse!

Sources:
http://www.slate.fr/story/180714/ecologie-feminisme-alienation-charge-morale

https://www.bettinazourli.fr/post/boycotter-fast-fashion-engagement-feministe

https://www.tdg.ch/vivre/societe/hommes-vegans-femmes/story/11353791