GREEN GOOD PEOPLE #4 BRUNO DE KALANI

GREEN GOOD PEOPLE #4 BRUNO DE KALANI

Hello à tous,

Je vous retrouve avec l’épisode #4 de Green Good People. Pour rappel, ce nouveau type d’articles a pour but de mettre en avant des personnes ayant un projet engagé et durable. Sans plus attendre, voici le projet de Bruno, le fondateur de Kalani, une start-up de linge de maison durable. 

Bruno est un puit de savoir concernant le textile, j’ai vraiment pris un cours notamment sur le coton biologique et les labels de qualité pendant cette interview et c’était extrêmement enrichissant. J’espère pouvoir vous transmettre au mieux les mots et enseignements de Bruno ainsi que le parcours de Kalani, bonne lecture! 

Qui es-tu et quel est ton parcours?

Je m’appelle Bruno, j’ai 45 ans et j’ai travaillé toute ma vie dans le textile. J’ai commencé par travailler 12 ans dans le textile conventionnel, c’est-à-dire une entreprise qui ne travaille pas les fibres biologiques et qui faisait les choses de façon éthique mais sans plus, pas de label fairtrade ou autre.

J’ai assez vite commencé à orienter mes démarches vers un monde plus éthique: j’ai participé en 2001 à l’éradication du travail des enfants dans les usines textiles avec la mise en place des premiers codes de conduite. 

En 2004-2005, j’étais employé dans une entreprise familiale et on a lancé une gamme en coton bio et  fairtrade. Cette entreprise a été rachetée par un grand groupe par la suite et je n’adhérais plus aux valeurs si bien que j’ai fait un burn out… 

Je me suis ensuite auto-formé pendant 10 mois à tout ce qui touche au textile durable: analyse des standards écologiques et éthiques, cases study de marques éthiques et durables sur tous les continents pour comprendre ce qu’ils faisaient, ce qui était possible et ce qui ne l’était pas. 

J’ai même poussé ma recherche jusqu’aux machines qui consomment plus ou moins d’eau et aux teintures naturelles. 

L’idée c’était de ne plus travailler dans le textile conventionnel et tout ce que j’allais faire par la suite serait dans le domaine du textile durable.

En 2011 avec d’anciens collègues, nous avons monté un projet de marque de vêtements durables et j’y ai développé la supply chain et le développement durable pendant 5 ans. J’ai ensuite quitté et créé Kalani.

En tant que consommateur, je trouvais qu’il y avait un problème avec le linge de maison. C’était très compliqué de trouver du linge de lit de qualité, durable et à des prix abordables. 

Dans ce marché, il n’y a pas beaucoup d’acteurs haut de gamme abordables mais alors en rajoutant l’aspect durable, il n’y a plus personne. 

Il y avait une différence d’un facteur parfois 4, 5 ou 6 entre du linge de lit bas de gamme et haut de gamme (toujours pas durable), et cette différence vient principalement du circuit de distribution. Il fallait donc revoir la distribution et j’ai choisi de miser sur du circuit court, une marque qui produit et vend directement en ligne. C’est ainsi que Kalani est né fin 2016.

Bruno est également très actif au sein de « Textile Exchange » une ASBL internationale qui s’occupe de rassembler le monde du textile durable dans le but de transformer l’industrie textile vers une version plus durable. 

Quelles sont les fibres textiles qu’utilise Kalani pour le linge de maison? 

Pour l’instant ce n’est que du coton bio. 

On aimerait beaucoup utiliser d’autres fibres comme le lin vu que cela vient de chez nous. 85% du lin est cultivé en Belgique, en France, en Hollande et dans les pays baltes. Le problème c’est qu’il est très compliqué de trouver du lin bio bien que naturellement il soit presque bio puisqu’il n’a pas besoin de pesticide pour être cultivé. Cependant, il est cultivé sur des champs où l’on cultive d’autres plantations non biologiques, la terre est donc contaminée. Malheureusement la demande en lin biologique est tellement faible qu’on en trouve actuellement 5000 mètres par an pour le monde entier, cela représente 1250 housses de couette, soit quasiment rien. 

Le chanvre est une belle option également, s’il est cultivé par chez nous. Je connais une seule  organisation chinoise où le chanvre est cultivé de manière écologique et controlée mais il en existe des tas d’autres où ce n’est pas du tout le cas. 

Le chanvre est une option très similaire au lin au niveau textile. Il faut cependant savoir que la majeure partie du lin et du chanvre est filée en Asie. Il faut donc faire attention à celui qu’on achète. 

Peux-tu nous éclairer sur les différents labels?

1) Commençons par le label « fairtrade » car il est à part. Il certifie donc que le coton est cultivé par des agriculteurs qui pour le coton vendu « fairtrade » reçoivent une prime calculée par fairtrade international. Et donc s’ils cultivaient uniquement du coton « fairtrade » ils auraient un living wage. 

Si un agriculteur vend 10% de coton « fairtrade » il sera rémunéré un certain prix pour ce coton., incluant la prime. Et pour les 90% restants, un prix inférieur. 

En tant que marque on peut acheter uniquement du coton fairtrade mais on ne contrôle évidemment pas ce que les autres marques achèteront. Ce faisant, on augmente la demande en coton fairtrade et donc on améliore les conditions de vie des agriculteurs. 

Kalani est une rare marque dans le monde qui sait exactement d’où vient son coton car on achète directement à la coopérative alors que la plupart des marques achètent un produit fini à une usine. On a créé une coalition avec 16 autres marques du monde entier et ensemble on achète 100% de la production d’une coopérative « fairtrade » cette coopérative reprend environ 15000 agriculteurs. L’idée était de développer un modèle durable unique au monde en collaborant à plusieurs et en utilisant notre poids à bon escient, sans faire baisser les prix. 

Le problème des grands groupes c’est qu’ils arrivent avec une énorme demande, ils font donc baisser les prix et la coopérative devra donc produire du coton, peut-être bio ou fairtrade mais pour le prix du coton conventionnel. Et si la coopérative refuse et bien elle perd son gros et unique client et se retrouve sans rien. C’est exactement ce qu’on veut éviter. 

Le but de s’associer à plusieurs c’est également de pouvoir s’engager sur un volume de coton et si l’un d’entre nous a un problème, les autres peuvent absorber et la coopérative vendra toujours la même quantité et au même prix. C’est une énorme valeur ajoutée pour les agriculteurs car on leur assure une stabilité de revenu. 

On a aussi décidé de payer notre coton 13.5% au dessus du prix « fairtrade » car on estime que ce prix n’est pas encore assez élevé. Depuis 2 ans on pré-finance, avec les autres marques, 100% des semences de coton bio nécessaire pour nos 15.000 petits agriculteurs pour éviter qu’ils ne tombent dans les tentacules des multinationales de semences OGM.

2) Le label agriculture biologique « AB » nous concerne moins car il porte uniquement sur l’Europe (et le coton ne pousse pas en Europe). Si un jour on travaille avec du lin ou du chanvre bio, il faudrait que la matière première soit certifiée AB. Et ensuite le produit textile sera certifié GOTS qui reconnait AB comme label de qualité pour l’agriculture biologique.

Dans notre cas, le coton cultivé en Inde est certifié par le gouvernement indien comme étant biologique et GOTS reconnait cette certification pour les produits textiles qui en découlent. 

3) Le label GOTS est un label allemand qui certifie que le coton est bio et qu’il y a une traçabilité depuis le champ jusqu’au produit fini. GOTS a également un volet social et vérifie notamment qu’il n’y a pas de travail d’enfants, pas de travail forcé, qu’il y a un contrat de travail… Pour être certifié GOTS, il faut que chaque étape de transformation depuis le champs de coton jusqu’au produit fini soit labellisée GOTS. Chaque maillon de la chaine doit être certifié pour permettre au suivant de l’être. 

GOTS a également un volet « chimie » qui réglemente les produits qui peuvent être utilisés pour laver, teindre, imprimer le textile. Ces produits doivent faire partie de la « positive list » de GOTS et doivent être inoffensifs pour l’environnement, les travailleurs et utilisateurs du textile. Ce volet est beaucoup plus stricte que Oeko-Tex ou que la norme européenne REACH.

4) Le label OCS est très similaire au label GOTS mais uniquement pour la partie coton biologique, il ne comporte pas de volet social ou chimique. Il serait donc possible, mais peu probable, de trouver un t-shirt labellisé OCS fabriqué par un enfant ou teint avec des solvants dangereux. 

Le label GOTS est beaucoup plus strict et c’est évidemment celui qu’on a choisi pour Kalani. 

5) Le « coton en conversion », c’est un coton conventionnel mais cultivé de façon biologique pendant les 3 dernières années de façon à être certifié biologique après les 3 ans, le temps que la terre ne comporte plus de pesticides. GOTS ou OCS peuvent donc certifier que le coton est en conversion. Ce qui est très positif puisque cela augmente la part de coton biologique. 

6) Le label BCI est issu d’une initiative londonienne qui réfléchissait à la problématique du coton bio. Ce sont des ingénieurs agricoles qui sont partis du constat qu’il est impossible que 100% du coton cultivé sur la Terre soit biologique. Dans environ 80% des cas, le coton est cultivé dans des zones trop arides avec trop d’insectes ce qui rend impossible la culture sans OGM et pesticides. Ces ingénieurs ont donc développé l’idée de cultiver du coton conventionnel, puisque inévitable dans certains cas, mais de façon contrôlée. Ce label vise donc à former les agriculteurs à utiliser les bons produits chimiques, dans les bonnes quantités, avec les bonnes protections et à irriguer correctement et raisonnablement.

Cependant lorsque c’est devenu un vrai label, les géants du textile se sont rués dessus et ont tourné la démarche en du greenwashing, ils ont donc labellisé les agriculteurs instruits qui utilisaient déjà les produits correctement pour éviter de devoir en former davantage. Ils se sont donc retrouvés avec une quantité de coton BCI en un rien de temps mais sans avoir amélioré le système. 

Certains agriculteurs qui produisaient du coton bio sont d’ailleurs revenus en arrière pour passer au « coton BCI » car c’est moins contraignant et que les géants du textile leur promettent un revenu, et là c’est le drame. 

7) Le label Oeko-tex qui certifie que le textile est exempt de produits chimiques dangereux pour la santé. Les marques communiquent d’ailleurs très mal à ce sujet car elle associe ce label à une norme environnementale ce qui est totalement faux.

Que penses-tu du coton « bio » non certifié? 

Alors pour moi ce n’est pas du coton bio. 

Il y a les grandes entreprises qui font du greenwashing et donc demandent parfois à leurs fournisseurs de leur montrer leurs certifications alors qu’elles ne sont pas certifiées et estiment ainsi avoir fait leur part du travail. Et comme utiliser l’appellation « bio » à tort n’est pas puni et bien ils ne s’en privent pas. C’est ainsi que sont déclarés vendus 2.5 fois la quantité réelle de coton bio… Ce qui prouve que le coton non certifié n’est pas biologique, les chiffres ne mentent pas. 

Il y a les petites marques qui n’ont pas le label car il est très onéreux. Chez Kalani, on est certifié depuis le premier jour même si cela nous a coûté extrêmement cher tout simplement car sinon on ne peut pas réclamer les certificats de nos fournisseurs et on n’est donc jamais vraiment certain qu’il s’agisse de coton bio.

Certaines marques utilisent même parfois le logo GOTS sur leur site alors qu’ils ne sont pas certifiés eux-mêmes, ils se justifient en disant que leur fournisseur est labellisé GOTS mais ils n’ont pas le droit. D’ailleurs, lorsque qu’une marque affiche le label GOTS sur son site, elle doit normalement mentionner son numéro de certification.

Pour être certifié GOTS, Kalani doit être certifié ainsi que chaque élément de la chaine (les fournisseurs, les fournisseurs des fournisseurs,…) c’est la seule façon d’être certain qu’il s’agisse de coton bio et de pouvoir le prouver.

Peux-tu me décrire la chaine de production de Kalani? 

Avec plaisir, on met un point d’honneur à être extrêmement transparent à ce sujet. 

On cultive notre coton dans le centre de l’Inde. Il y est également égrainé et filé. Il est ensuite tissé  et teint également en Inde. Il est finalement acheminé vers notre usine, toujours en Inde, pour la confection du produit fini. Ceci est pour le linge de lit et une partie du linge de bain. 

La collection luxe en couleur du linge de bain est réalisée en Belgique.

Nous visitons nos usines régulièrement (minimum 2 fois par an) et elles ne produisent que pour des marques durables qui les visitent également plusieurs fois par an donc il y a quasi à tout moment un des acteurs qui y est. 

Avez-vous fait un choix particulier quant au packaging?

Tout à fait. Alors notre linge de lit venant d’Inde est emballé dans des sacs en plastique (recyclable) de logistique afin d’éviter que le linge ne prenne l’humidité ou la poussière. Cependant on ne veut pas envoyer de plastique chez les gens car la plupart des pays européens ne recyclent pas (ou mal) le plastique, et puis les gens trient potentiellement mal également… 

Le linge est donc déballé dans l’entrepôt de logistique et mis dans un sac en tissu. Cependant, notre entrepôt de logistique en tant qu’entreprise a un container spécifique pour ce plastique et assure donc un recyclage. On est donc certain que ce plastique sera traité correctement. 

Pour les essuies de bain produits en Belgique, le transport est très court et donc il n’y a aucun déchet plastique.

Quels sont les challenges pour lancer une marque éthique et durable en 2020? 

De se faire connaître! A l’heure actuelle, il y a trop de tout et c’est difficile de se démarquer. De plus, le simple fait d’être durable et éthique ne suffit malheureusement pas… 

C’est pour ça qu’avec Kalani on a décidé de se démarquer en faisant du haut de gamme et des produits intemporels. D’amener un service 5* car j’estime qu’aujourd’hui la notion de service s’est perdue en Europe occidentale…

Etes-vous en partenariat avec des hôtels?

Oui en effet! 

Pas avec les grands hôtels car ils n’achètent pas leurs draps mais les louent (leasing). Mais nous travaillons avec des petits hôtels et des maisons d’hôtes en Europe. 

Quel est ton parcours face à l’urgence climatique? Quel type de consommateur es-tu?

Je me définis comme très concerné mais pas radical. On essaie de manger le plus bio et local possible. Au niveau du textile, on agit de façon très responsable puisque je connais bien les dessous de l’industrie. Pour l’énergie, on a choisi un fournisseur d’électricité verte et on a des panneaux solaires sur le toit de la maison.

Je suis par exemple un grand passionné de voyage, je continue de voyager, je n’ai pas laissé ce plaisir de côté mais on essaie de voyager de manière responsable. On ne va pas dans de grands hôtels, on fait vivre le commerce local. 

De quel aspect es-tu le plus fier chez Kalani?

Je suis fier de vendre un beau produit, durable et éthique et d’avoir monté une petite équipe très engagée. 

Linge de lit Kalani

J’espère vraiment que ce type d’articles vous plait car je prends beaucoup de plaisir à les produire. J’espère aussi que de lire sur des personnes inspirantes et engagées pourra vous aider et vous guider dans vos futurs projets.

Ps: rendez-vous sur instagram @goodmorninglau pour gagner un set de linge de lit! 

A bientôt pour un nouvel épisode de Green Good People, je vous embrasse,